La récente décision d’autoriser les jeunes filles enceintes à poursuivre leurs études durant leur grossesse continue de susciter un vif débat. Si elle est saluée par certains comme un progrès dans la lutte contre les inégalités de traitement entre garçons et filles, elle soulève néanmoins de sérieuses réserves d’ordre moral, éducatif et sociétal. Et je m’inscris résolument parmi ceux qui s’y opposent.
Il est vrai que depuis des années, de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer l’injustice : le garçon, auteur de la grossesse, continue tranquillement sa scolarité, pendant que la fille, elle, subit à la fois l’exclusion sociale, la charge physique et psychologique, et l’abandon scolaire. De ce point de vue, autoriser la fille enceinte à rester en classe peut sembler réparer une inégalité. Mais à quel prix ?
Cette mesure, sous couvert d’inclusion, envoie un message trouble à l’ensemble de la communauté éducative. Elle peut être perçue comme une forme de banalisation d’un comportement que l’école est censée prévenir : les rapports précoces, non protégés, en milieu scolaire. En maintenant la jeune fille dans le circuit scolaire sans encadrement spécial, on finit par légitimer une situation qu’on aurait dû décourager. Cela crée un précédent, un effet de tolérance, voire d’incitation implicite, auprès des autres élèves.
Le risque est évident : la multiplication des cas de grossesse scolaire, alimentée par la perte du sens des limites, dans un environnement déjà exposé à des influences sociales fragilisantes. Car si une fille enceinte peut venir en classe sans que cela ne pose problème, pourquoi les autres s’en priveraient-elles ? La portée éducative de l’école s’en trouve affaiblie, et son autorité symbolique remise en question.
Certes, certains taxeront cette position de stigmatisante. Mais faut-il pour autant effacer toute notion de responsabilité individuelle ? Une solution équilibrée serait de créer des dispositifs parallèles à domicile, en ligne, ou dans des structures spécialisées permettant à ces jeunes filles de poursuivre leur apprentissage sans troubler l’environnement scolaire et sans ériger la grossesse en modèle de normalité pour des adolescentes en pleine construction.
Il est temps que la politique éducative sorte du champ des émotions pour entrer dans celui de la rigueur morale et pédagogique. Préserver l’avenir de la jeune fille enceinte est une nécessité, mais cela ne doit pas se faire au détriment de l’exemplarité et de l’équilibre de l’ensemble du système scolaire.
Amigos Sakasaka